Oraison funèbre pour André Chouraqui

Paroles prononcées lors de l’enterrement de Natân André Chouraqui lundi 9 juillet 2007 à Jérusalem

« Mourir de joie » lu par Emmanuel Chouraqui
Paroles de sa fille Elisabeth Chouraqui-Chemla
Paroles de sa petite-fille Naama Chouraqui
Paroles de Yohanan Elihaï
Texte de Yossi Charbit, lu pendant les « shiva » (semaine de deuil).
Pendant l’enterrement, des allocutions ont aussi été prononcées par le professeur Jacques MICHEL, le père Emile SHOUFANI de Nazareth et René Samuel SIRAT, grand rabbin de France honoraire.
« Mourir de joie »

Extraits du Prologue à L’amour fort comme la mort

lus par son fils, Emmanuel Chouraqui

Toute vie commence au seuil d’une tombe.

Ma tombe, je l’espère, se situera sur le mont des Oliviers, non loin de la maison que j’habite de l’autre côté de la vallée de la Géhenne. Ce mont est habité depuis des millénaires par des myriades d’habitants de Jérusalem qui ont, eux aussi, pris le parti des pierres. Là, se sont-ils enfin réconciliés ? Ils sont silencieux, mais non muets : leurs tombes, dans la sobriété des rocs, parlent. (…)

Il surplombe la vallée du Cédron où, selon les certitudes locales, les morts du monde entier se réuniront à l’heure toujours prochaine de leur résurrection, Maintes tombes l’affirment : ceux qui y reposent n’en sont que de très provisoires locataires. leurs squelettes se revêtiront de muscles et de chair. Ezéchiel l’a dit, et l’Élohim, créateur des ciels et de la terre, lui qui les a créés de rien, les ressuscitera à partir de l’irrécusable présence de leurs ossements rhabillés de lumière. L’esprit convoqué des quatre coins de l’univers déferlera sur eux en souffle de vie. (…)

Quand nous nous réveillerons, nous les découvrirons de nos yeux émerveillés. Notre nuit souterraine nous semblera n’avoir duré qu’un jour ou qu’une heure…

Avec mes ossements qui seront demain les vestiges souterrains de ma personne, ma tombe portera la date de ma naissance et celle de ma mort. Alors, mon nom ne sera pas mutilé de sa composante hébraïque. Non pas André, mais Natân André Chouraqui. (…)

Ainsi en est-il de tout homme. Du jour de ma naissance à celui de ma mort, un même nom désigne la multitude des êtres humains qui m’habitent : un bébé vagissant ; un enfant aux yeux de lynx et au front têtu ; un infirme paralysé sur son lit par une attaque foudroyante de poliomyélite ; un élève du Talmud tora de sa ville natale appliqué à déchiffrer les textes de la Bible – en hébreu bien entendu ; et encore un pensionnaire au lycée d’Oran, devenu, par la grâce de l’enseignement laïque et républicain, un authentique descendant de Vercingétorix…

L’hébreu ignore le visage de l’homme pour ne relever que ses faces. Le mot panim qui les désigne s’emploie toujours au pluriel. Car en vérité je n’ai pas un seul, mais de multiples visages, celui du vieil homme que je suis devenu et celui du nourrisson que j’étais, celui de mes rires, de mes colères, de mes peurs, de mes tristesses et de mes joies, de mes souffrances et de mes allégresses, de mes nuits et de mes jours… mille et mille faces de mon être – toutes éphémères et, pour les désigner, un seul nom : Natân André Chouraqui, l’Africain, le Français, l’Asiatique, et demain l’habitant provisoire d’une tombe dans un cimetière de Jérusalem.

Les orientalistes le savent : pour l’Hébreu – mais pas seulement pour lui -, le nom est essentiel par rapport à la réalité qu’il désigne. Nous vivons non pas dans un monde illusoire d’objets éphémères, mais dans la réalité autrement plus vraie des Noms : le Verbe, la Parole, est la seule vraie puissance créatrice. en tête était le Dabar, le Logos, la Kalimat, le Verbe, la Parole. Dans la Bible, Élohim lui-même l’utilise pour créer les ciels et la terre : « Élohim dit : La lumière sera. Et la lumière est. » Rien ne fut, rien n’est et rien ne sera sinon par les pouvoirs de la Parole, Nom et Verbe tout à la fois.(…)

Mes deux prénoms Natân André m’accompagnent en raison d’une antique pratique des Juifs de la Diaspora : depuis l’époque de leur premier exil à Babylone, en 586 avant notre ère, chaque Hébreu a deux prénoms, un hébraïque à l’usage de la tribu, du clan, de la famille, et un autre pris dans les usages des nations où les remous de notre histoire nous avaient rejeté.

Mon prénom français, ou supposé tel puisque, en fait, il dérive du grec, serait donc André, selon le choix de mes soeurs aînées, déjà adolescentes à l’époque de ma naissance. (…)

C’est [ma mère] qui avait décidé que je m’appellerais, en Israël, Natân . (…) Ba Natân Meyer était le grand-père de maman : un géant aux immenses yeux bleus, connu pour sa vaste culture arabe et hébraïque. (…) Il était si grand que [lorsqu’il mourut à l’âge de 92 ans] six hommes pouvaient soulever avec peine son cercueil. Mais lorsque le chant célébrant le Seigneur de l’Univers – Adon ‘Olam – s’éleva, le cercueil devint léger comme une plume. (…)

Quelques jours avant ma naissance, ma mère, une forte femme bien enracinée dans les réalités de la vie, eut une vision qu’elle me raconta souvent : Ba Natân lui apparut, assis sur son trône d’or, tenant sur ses genoux un bel enfant de sexe masculin. Il était auprès de deux de ses filles, nos tantes Simha et Shabka : « Voilà ton fils, Meléha ! » lui dit-il en me présentant. Il ajouta une bénédiction quasi rituelle, mais qui résonna très fort dans la conscience de ma mère : « Le petit que voici deviendra grand. Donne-lui mon nom : Natân ».

C’est ainsi que je fus inscrit à l’état civil français de la ville d’Aïn Témouchent en Algérie (…)

Mais revenons auprès de ma tombe.

« Fou êtes-vous de nous parler de la résurrection. En voilà des idées ! A l’heure du progrès, nous rebattre les oreilles avec vos vieilles sornettes, avec vos racontars de primitifs ! »

Oui, fou suis-je de ne pas croire à la mort, et, plus qu’à la résurrection, de penser que dans l’adorable liturgie de la création, la mort – ou ce que l’on entend communément par ce terme -, à vrai dire, n’existe pas. ce qu’il est donné d’observer est le perpétuel refux et flux de la vie prodigieusement imprévisible. Car on commence toujours par mourir avant de naître. Dès que l’on existe, on ne sort d’un état que pour en revêtir un autre. (…)

[L’enfant que je fus autrefois est devenu ce corps enterré parmi les rocs du mont des Oliviers.]

Il me paraît absurde de croire que l’arrêt de mon coeur, que la fin de ma pensée consciente ou de ma mouvance effaceront l’être qui vit en moi. Hébreux, chrétiens, musulmans sont unanimes en cela : l’Élohim de la Bible est le Dieu Vivant, El Haï, au regard duquel la mort n’existe pas : il est aussi l’Élohim des Vivants, de tous les Vivants. C’est en vivant que je serai demain déposé dans ma tombe. L’hébreu appelle tout cimetière la Maison des vivants : Beit Ha-Haïm. Que l’on ne voie pas là un euphémisme. ceux qui ont fait l’expérience de la mort d’un être cher savent que, mort, il est souvent plus présent que vivant. Nos morts nous habitent, ils vivent en nous comme les habite l’essence de notre être et de notre pensée.

« La vie est un couloir qui aboutit à un palais : prépare-toi dans le couloir pour être en état de pénétrer dans le palais », disait jadis un de nos ancêtres. Ainsi en a-t-il été de ma première naissance, le 11 août 1917. Ainsi en sera-t-il en ce jour de joie où je pénétrerai vivant dans l’énigme de ma mort. (…) La joie de ma vie, je le promets, ne cessera jamais de m’habiter, de siècle en siècle, fût-ce dans ma tombe.

Sa source ? L’inextinguible passion d’amour qui n’a cessé de m’animer, (…)

Et pour nourrir cette passion d’amour, j’ai eu le privilège unique d’avoir le regard ouvert sur l’univers entier et d’épouser ses splendeurs, ses ciels, ses terres, ses mers, ses fleuves, ses hommes et ses femmes, tous, toutes, ses langues, ses cultures et ce fleuve de feu où je n’ai cessé de m’immerger, buisson ardent qui brûlait sans se consumer, aux échos infinies, en moi, de la Tora, des Evangiles, du Coran et de maints autres chants…

Une tombe, c’est un nom, deux dates et souvent une épitaphe. Si j’avais à rédiger la mienne, elle n’aurait que trois mots :

Natân André Chouraqui (1917 – ) MORT DE JOIE

Mais le passant, qui ne connaîtra rien de l’homme endormi sous cette dalle de granit, ne sera-t-il pas choqué par l’impertinence de ces termes ?

J’y ajouterai donc, pour me tenir dans les limites de la componction de rigueur en ces lieux témoins de tant de déchirements, un verset du Psautier Ps. 4:8 :

« Tu as donné de la joie à mon coeur

plus qu’au temps

où leur froment et leur moût surabondent. »

Paroles de sa fille Elisabeth Chouraqui-Chemla

Papa demandait toujours que le jour de sa mort soit un jour de joie, de chants et de danses. Il parlait toujours de la mort en des termes joyeux et paisibles, il l’attendait avec une grande curiosité, et la considérait comme l’une des nombreuses transformations que nous connaissons au cours de la vie.

Par exemple, il nous demandait souvent où se trouvaient les petits enfants que nous avions été autrefois, et où ils avaient disparu ? Ou bien, qu’aurait répondu un foetus dans le ventre de sa mère, si on lui avait demandé s’il souhaitait naître ? Il aurait certainement répondu « vous êtes fous ? Vous voulez me tuer ? »

En effet, il est difficile d’imaginer le monde entier lorsqu’on est coupé d’un utérus rassurant, bienfaisant, qui donne la vie et l’alimentation…

Et malgré tout, Papa, il est triste de se séparer, nous ressentons la perte et la douleur…

Il nous sera difficile de revenir à la maison, la maison de notre enfance, que tu as construite face aux remparts de la vieille Ville de Jérusalem, la ville que tu aimais, pour laquelle tu rêvais de paix et de coexistence. Il nous sera difficile de sentir ton absence dans toutes les rencontres de la tribu autour du couscous, que nous tous, et toi aussi, nous aimons tellement… Mais tu seras toujours dans nos coeurs, et peut-être vas tu nous contempler, nous guider et nous protéger depuis là haut…

Ta présence sera gravée sur la dalle de granit, mais aussi au fond de nos coeurs…

Tu étais pour nous un soleil, et comme une source vivante… ta force, ta vitalité, ton optimisme, ton audace de penseur, de créateur, ta vision de l’avenir, ton attachement aux racines, tes relations profondes avec tes amis de toutes religions, toutes couleurs et toutes cultures, ton ouverture d’esprit, ton amour du prochain, l’espoir et la foi en l’homme et en un monde nouveau, et surtout la joie, l’amour de la vie, l’enthousiasme, ton amour pour Maman, et ton sourire si personnel…

Nous avons eu le privilège de recevoir cette tradition si riche, et nous t’en remercions de tout notre coeur. Sois sûr que ton esprit se perpétuera dans nos voies, dans celle de nos enfants, et dans celle de leurs enfants.

Papa, tu vis encore aujourd’hui même dans ta mort, et nous espérons que sous ton influence nous saurons sauver nos âmes, et vivre dans ton esprit.

Que Dieu te bénisse et te protège.

 » portera ses faces vers toi, il mettra en toi la paix » (Nb 6:26). Adieu.

Paroles de sa petite-fille Naama Chouraqui

Mon Papi,

Je suis assise dans ton bureau, en train de me demander ce qu’on peut dire encore? Que peut-on encore écrire ? Je cherche quelque chose qui n’a pas encore été dit ou écrit sur toi, mais je ne trouve pas.

Alors je vais commencer par te dire merci. Merci pour la tartine de miel que tu me préparais quand j’étais petite… Merci de m’avoir assise quelquefois sur tes genoux pendant que tu écrivais un nouveau livre ou un article, et de m’avoir expliqué ce que tu écrivais, même si je n’y comprenais rien. Merci de m’avoir toujours répété que j’étais intelligente, et belle, que tu m’aimais et que « votre maison est la mienne ». Merci, lorsque j’avais peur de la mort et que je te le disais, d’avoir souri et de m’avoir dit de ne pas m’inquiéter, car « la mort est la force de la vie, et la vie est la force de la mort… » Et à nouveau je ne comprenais rien, jusqu’à la semaine dernière, lorsque nous avons traduit en hébreu le premier chapitre de ton livre, Mourir de joie.

Merci pour toutes les poupées que tu me rapportais de tous les pays où tu te rendais, et la liste est encore longue…

Mon grand-père, le nôtre – on dit que c’est jour de son enterrement qu’on peut témoigner d’un homme… Maintenant je comprends vraiment qui tu étais. Des personnes de toutes les nationalités et de toutes les religions sont rassemblées ici pour te rendre un dernier hommage. Exactement comme tu le souhaitais. J’ai tellement de choses à dire, mais je t’ai déjà dit tout cela dans ces dernières semaines, qui ont été difficiles pour nous tous.

Mon Papi, je suis fière de toi, et fière d’être ta petite-fille ! Je te promets que nous irons tous bien, car en fait, comme tu le disais, ce n’est que le corps qui cesse de fonctionner, mais ton âme, et les souvenirs profondément gravés en nous, ta présence et ton esprit habitent tous les coins de cette maison que tu aimes tant.

Je terminerai par les mots de la chanson Shir nevouï aliz (Chanson prophétique et cosmique joyeuse de Yoni Rekhter et Elie Mohar), que j’ai entendue aussitôt après que mon père m’ait annoncé que tu nous avais quittés :

« Comme une colonne de nuages tu marcheras devant le troupeau

Et de tout ce que tu sais, tu ne diras pas un mot

Comme une colonne de fumée tu disparaîtras dans la chambre,

Une voix en toi te dira : poursuis ton chemin.

Comme la voie lactée, qui fend le ciel,

Tu marches droit, sans voir les étoiles

Qui luisent pour éblouir tes yeux,

Une voix en toi te dira : poursuis ton chemin.

Ô vas droit, vas seul, ne crains rien

Ô, Ô, Ô, ne te fâches pas

Vas simplement, vas uniquement.

Comme l’oie sauvage qui passe dans le ciel du soir,

Qui vole en tête de flèche, nous ne craindrons pas la distance.

L’instinct lui montre la voie à choisir

Une voix en toi te dira : poursuis ton chemin.

Sans discuter, laisses-toi marcher

Tous les arguments s’effaceront d’eux-mêmes

Comme l’arbre qui revit après la chute des feuilles

Une voix en toi te dira : poursuis… »

Alors Mon Papi, poursuis ton chemin où que tu te trouves. Nous le poursuivrons ici.

Je te promets que chacun de tes petits-enfants et de tes descendants sauront exactement qui tu étais et ce que tu étais.

Nous t’aimons énormément énormément et te languissons déjà.

Un départ discret – Paroles de Yohanan Elihaï, ami intime d’André Chouraqui

Oui, un grand homme, Natan André Chouraqui, s’est éteint ce lundi 9 juillet à 4 h. du matin, dans son sommeil. Je le revoyais régulièrement, et depuis des mois, la communication était limitée à des regards, un léger sourire de temps en temps.

Comment évoquer une telle figure si riche, qui a marqué par ses écrits, ses traductions (Bible, Nouveau Testament et Coran), qui a œuvré pour un rapprochement fraternel entre les hommes, surtout Juifs, Chrétiens et Musulmans. D’autres le raconteront en détails, je me borne à vous renvoyer au site très riche où l’on voit retracée toute sa vie avec des photos : http://www.andrechouraqui.com.

Je veux redire ici ce que j’ai dit à son enterrement, où parlèrent également un ami très proche, puis le Père Émile Shoufani, et finalement le Grand Rabbin Sirat

Une étape importante pour moi fut la rencontre d’André en octobre 1948. Comme je lui disais ma joie de la naissance de l’État d’Israël, il me chanta la Tikva (hymne national), et c’est donc de sa bouche que je l’ai apprise ce jour-là. Début d’une longue amitié de presque soixante ans.

J’ai aimé sa simplicité dans les rapports personnels – même s’il savait être « solennel et imposant » avec certains visiteurs, personne n’est parfait – et il acceptait toute remarque de ses amis proches. Il avait un sourire espiègle, et un humour dont je donnerai un seul exemple :

– il recevait beaucoup de gens du monde entier (dont le Japon), et un jour se présente un homme à barbe qui lui annonce: “Monsieur Chouraqui, je suis le Messie!”. Alors André lui répond tranquillement: “Enchanté. Asseyez-vous. Vous voulez un café ?” Ce qui donna le ton au reste de l’entretien.

La dernière chose que j’ai soulignée fut son initiative à propos du Nom divin : dans les traductions françaises, on met soit « le Seigneur » ou « l’Eternel », ou même ce nom YHWH en lui mettant des voyelles qui permettent au lecteur catholique de dire tranquillement ce nom, comme celui de son petit copain. Or la tradition juive dit qu’on ne doit pas le prononcer, on dit à la place Adonaï (mon Seigneur). J’aime cette idée: s’arrêter quand on arrive au mot, et se dire avec un profond respect: « Ah, attention, je ne peux me permettre de le prononcer, je dis autre chose. »

André inventa le système ci-contre , qui permet de lire Adonaï à la place. C’est ainsi qu’il écrit ce Nom divin dans toute sa Bible.

André aura contribué par ses traductions proches de l’hébreu parfois rugueuses, ou même fantaisistes (on peut ne pas être d’accord ici ou là), et surtout par cette typographie, à réveiller les Chrétiens de langue française et à les faire adopter la tradition juive en ce domaine, cette attitude de grand respect – j’oserais dire d’adoration – que l’on peut adopter quand on rencontre ce .

J’ai été heureux aussi d’entendre dire par son ami que finalement sa plus belle œuvre, réalisée bien sûr avec sa chère épouse et collaboratrice, Annette, courageuse et discrète, ce sont ses cinq beaux enfants, si gentils, qui étaient là à l’enterrement avec le dernier né de Mikhal. Je lui avais dit cela moi aussi plus d’une fois. Que Dieu les réconforte et les aide dans leur chemin à sa suite.

Que son souvenir soit en bénédiction.

L’écriture des écritures

Écrit par Francine Kaufmann et Emmanuel Chouraqui,
réalisé par Emmanuel Chouraqui

Hommage à André Chouraqui

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